La région de Dakar à l’instar des grandes capitales africaines est aujourd’hui confrontée à une réduction drastique de sa réserve foncière susceptible d’être urbanisée. Cette situation est le résultat combiné de l’accroissement de la démographie, d’un exode rural massif, mais surtout d’un développement « horizontal » de l’habitat. Pour faire face au besoin en logement des ménages et des entreprises, qui en dépit de cette situation, ont pris l’option de vivre et de travailler à Dakar « intra-muros », de nombreux promoteurs immobiliers proposent en vente des appartements édifiés dans des blocs d’immeubles divisés en lots.
Cependant la cohabitation dans ce nouveau cadre de vie, exige, de la part des copropriétaires, le partage et l’utilisation collective d’espaces et d’équipements communs. C’est ainsi que pour assurer leur entretien ainsi que leur bon état de fonctionnement, gage du maintien de la valeur des investissements réalisés par chaque copropriétaire, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif législatif et réglementaire en vue de fixer les contours juridiques relatifs à la gestion de la copropriété d’immeubles bâtis.
Au Sénégal, la copropriété est régie par la loi N° 88-04 du 16 juin 1988 ainsi que par son décret d’application N° 2002-160 du 15 février 2002. L’objectif visé à travers ces textes est d’encadrer et de promouvoir ce nouveau type d’habitat, pour résoudre la problématique de la raréfaction du foncier et donc de faciliter l’accès au logement au plus grand nombre.
Afin de fournir des informations à la fois exhaustives et « digestes » à tous les acteurs intéressés par la gestion de la copropriété, ce thème fera l’objet de 2 newsletters consacrées respectivement aux contours juridiques de la copropriété des immeubles bâtis (1/2) ainsi qu’aux règles de gestion financière, administrative, et technique de la copropriété (2/2).
Les contours juridiques de la copropriété des immeubles bâtis au Sénégal (1/2)
I. Qu’est-ce que la copropriété ?
La copropriété se définit comme « tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lot comprenant chacun une partie privative (ex : appartement) et une quote part des parties communes (escaliers, parking, ascenseurs…) »
La copropriété peut avoir 2 formes : celle dite « verticale » qui s’applique sur un immeuble réparti en plusieurs étages composés d’appartements, et celle dite « horizontale » ou « pavillonnaire » représentant un ensemble de maisons individuelles ou de lots sur un même terrain.
II. Quels sont les documents qui organisent la copropriété ?
Deux principaux textes régissent la ‘’vie en copropriété’’. Il s’agit du règlement de copropriété (1) et de l’état descriptif de division (2).
1. Le règlement de copropriété
Le règlement de copropriété est le texte principal qui gouverne le quotidien des copropriétaires. Il fixe :
- la répartition des lots,
- les conditions d’utilisation des parties communes et des parties privatives,
- la répartition des charges ainsi que la méthode utilisée pour le calcul de cette répartition.
De façon générale, le règlement de copropriété précise les droits et obligations de chaque copropriétaire ainsi que les règles de fonctionnement de la copropriété.
Le règlement de copropriété est établi au moment de la construction de l’immeuble par le promoteur, ou au moment de sa division en lots par le propriétaire.
Il est généralement rédigé par un professionnel (notaire, gestionnaire de patrimoine, expert-géomètre par exemple).
Il doit être publié par le notaire à la conservation des hypothèques, ainsi que les modifications qui lui sont apportées ultérieurement ; de ce fait, il s’impose non seulement aux copropriétaires et occupants de l’immeuble, mais aussi aux futurs acquéreurs.
Si la copropriété se trouve dépourvue de règlement, il appartient au syndicat des copropriétaires d’en établir un, par vote de l’assemblée générale. A défaut d’accord entre les parties, le règlement de copropriété peut résulter d’un acte judiciaire.
2. L’état descriptif de division
L’état descriptif de division identifie chaque lot et il est destiné à la publicité foncière. Il permet de répertorier, de numéroter, de localiser et d’indiquer l’usage d’un immeuble. L’état descriptif peut être inclus dans le règlement de copropriété ou faire l’objet d’un document annexe.
Exemple :
Lot n° 1 : appartement de 3 pièces, situé au 1er étage du bâtiment, porte droite, et comprenant 1 pièce principale, 2 chambres, une salle de bains, des toilettes indépendantes, un balcon, une entrée, 2 penderies.
III. Qui gère la copropriété ?
La copropriété est administrée par le syndicat des copropriétaires (organe de décision), le syndic (organe d’exécution) et le conseil syndical (organe de contrôle et d’assistance).
1. Le syndicat des copropriétaires : organe de décision
Le syndicat de copropriété est constitué de tous les copropriétaires. Ces derniers sont d’office membres du syndicat et peuvent s’y présenter personnellement ou se faire représenter par toute autre personne, sauf le syndic.
Le syndicat est chargé de conserver l’immeuble et d’administrer les parties communes. Il a la personnalité morale et est représenté par le syndic. Les décisions du syndicat sont prises en Assemblée générale selon les conditions prévues par la loi.
Pour la validité des décisions prises en assemblée générale, la loi prévoit une majorité absolue des voix (article 25), une majorité au ¾ des voix (article 26) ou à l’unanimité en fonction de l’importance ou de la gravité de la décision. Le tableau ci-après indique les règles de majorité en fonction des types de décisions (nous en fournissons les cas les plus fréquents) :
Majorité des voix (art. L 25)
- Toute délégation de pouvoir
- L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble … ;
- La désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical ;
- Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu des dispositions légales ;
Majorité des voix au ¾ (art. L 26)
- Toute délégation de pouvoir
- L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble … ;
- La désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical ;
- Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu des dispositions légales ;
Unanimité des voix (art. L26, 27 et 31)
- toute amélioration, telle que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipements existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux, pourvu que ces actes soient conformes à la destination des locaux ;
- La surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif
Les décisions de l’assemblée peuvent être attaquées dans les deux mois de la notification de la décision par le syndic, par un copropriétaire opposant ou défaillant.
2. Le syndic de copropriété : organe d’exécution
C’est l’organe exécutif de la copropriété. Il est chargé de l’administration de la copropriété et de l’exécution des décisions du syndicat prises en assemblée générale. Le syndic est nommé et révoqué par l’assemblée des copropriétaires ou à défaut par le président du Tribunal de grande instance.
En pratique, il revient au syndic, sous le contrôle du conseil syndical, s’il en existe :
- d’assurer la gestion administrative de l’immeuble (organisation des réunions du syndicat des copropriétaires et du conseil syndical, gestion du personnel technique, de sécurité, de nettoiement, relation avec les fournisseurs, représentation du syndicat en justice…) ;
d’assurer la gestion technique de l’immeuble (le maintien en état de fonctionnement des installations techniques, le - nettoyage des parties communes, le gardiennage et la sécurité de l’immeuble ou de la cité…) ;
- de s’occuper de la gestion comptable et financière (établissement du budget prévisionnel, appel de charges, ouverture d’un compte bancaire, engagement et règlement des dépenses dans la limite de ses pouvoirs, recouvrement des charges…)
3. Le conseil syndical : organe de contrôle et d’assistance
Le Conseil syndical est une instance facultative. Composé de copropriétaires élus par l’assemblée générale des copropriétaires, le Conseil a pour mission :
- d’assister le syndic de copropriété dans ses prises de décisions concernant la copropriété. Cette assistance peut porter, par exemple, sur un avis relatif au choix des entreprises appelées à assurer l’entretien de l’immeuble.
- et de contrôler sa gestion en vérifiant notamment la comptabilité, la répartition des dépenses, les conditions dans lesquelles sont passés et exécutés les marchés et tous les autres contrats, ainsi que l’élaboration du budget prévisionnel.
Le Conseil syndical est le trait d’union entre le syndic et les copropriétaires. Il doit rendre compte tous les ans à l’assemblée générale de l’exécution de sa mission.